Les Belges, leur histoire ...

et celle de leur patrie, la Belgique

La période du doctrinarisme

Fondation du parti libéral
Fondation du parti libéral

Source : Chronologie de la Belgique de 1830 à nos jours, p. 66

Alors les libéraux organisèrent leurs forces. Ils avaient créé peu auparavant, dans tout le pays, des Associations libérales. Ils réunirent ces groupements en congrès à Bruxelles. Le congrès du 14 juin 1846 marqua une étape dans l’histoire du libéralisme belge.

Ce libéralisme avait une double origine :

  • Un certain nombre de fonctionnaires, de magistrats, de notables qui voyaient dans le libéralisme surtout une doctrine étatiste et laïque c’est-à-dire « l’Eglise dans l’Etat et non pas l’Etat dans l’Eglise ». A leurs côtés se plaçaient des industriels, des banquiers et des négociants férus du libéralisme économique, du « laisser-faire, laisser-passer » (théorie défendue d’ailleurs aussi par beaucoup de catholiques).
  • D’autre part, bon nombre d’avocats, de journalistes, de jeunes gens romantiques se considéraient comme les héritiers du grand mouvement émancipateur de la fin du 18e siècle. Ils réclamaient « la plus grande somme de libertés possibles dans toutes les sphères de l’activité humaine ».

Ces deux nuances du libéralisme se rencontraient dans le désir de former un grand parti national, dynastique, constitutionnel et de juste milieu. Elles reprochaient aux ministres unionistes d’être trop soumis à l’influence de l’épiscopat, notamment pour les nominations, tout comme l’opinion catholique leur reprochait de recevoir le mot d’ordre des loges maçonniques.

Le congrès de 1846 réclama donc :

  • L’indépendance réelle du pouvoir civil
  • L’organisation d’un enseignement public, à tous les degrés, sous la direction exclusive de l’Etat
  • Un prudent abaissement du cens électoral jusqu’aux limites constitutionnelles.

Ce libéralisme modéré épris de principes, d’expression « doctrinaire », disait-on, plut au corps électoral. Le 8 juin 1847, il assura aux libéraux une éclatante victoire.

Alors s’ouvrit la période doctrinaire qui, sauf une interruption de 5 ans, dura jusqu’en 1870. Elle fut dominée par la haute personnalité de Walthère Frère-Orban de Liège. Avocat et journaliste d’un talent remarquable, Frère-Orban fut bientôt le porte-parole du libéralisme doctrinaire.

Le ministère Rogier-Frère (1847-1852) inaugura l’application réelle en Belgique du régime parlementaire, régime dans lequel le Cabinet reflète les volontés de la majorité aux Chambres.

Walthère Frère-Orban Charles Rogier
Walthère Frère-Orban  
Wikipedia
Charles Rogier  
La Patrie belge. 1830-1930, p. 35


En 1848, le gouvernement jugea utile de donner des satisfactions à l’opinion publique. La loi électorale du 12 mars 1848 modifia la loi de 1831 : le cens fut uniformément ramené au minimum constitutionnel de 20 florins. Le chiffre du corps électoral fut porté de ce fait de 55.000 à 79.000 voix. Le ministère eut à ce moment l’appui de tous les partis.

Malheureusement cette bonne entente ne dura guère. Lorsque Frère-Orban voulut créer de nouvelles ressources en frappant les successions en ligne directe d’un modeste droit de 1%, il fut aigrement accusé de « mêler le fisc au deuil des familles » (1851).

Mais ce fut surtout la discussion de la loi de 1850 sur l’enseignement secondaire qui envenima les relations entre le gouvernement et l’opposition. Fidèle à sa mission, le ministère voulait créer 10 athénées et 50 collèges. Le clergé l’accusa de vouloir établir un « monopole scolaire » et fit en sorte que la loi resta longtemps lettre morte.

Bref retour à l’unionisme

Les difficultés extérieures ne permettaient pas de se livrer avec trop d’ardeur aux luttes de parti. Le Roi essaya d’en revenir aux méthodes centristes, d’abord avec le concours d’un libéral modéré, Henri de Brouckère (1852) puis avec le secours d’un député catholique très indépendant de caractère, Pierre De Decker (1855). Ce dernier s’engagea assez imprudemment dans la défense d’un projet tendant à priver les bureaux de bienfaisance et les conseils des hospices civils d’une partie de la gestion des services charitables, au profit des congrégations religieuses. Il y eut dans tout le pays des protestations contre la « loi des couvents » et le projet dut être retiré en 1857.

Henri de Brouckère Pierre De Decker
Henri de Brouckère  
Wikipedia
Pierre De Decker

Les doctrinaires reviennent au pouvoir

Un nouveau Cabinet Rogier-Frère se mit à l’œuvre. Il fit dans le domaine militaire, économique et social une « politique nationale, au service de tous les citoyens ». Mais, de plus en plus, l’altier Frère-Orban présentait à l’opposition catholique « de gros morceaux à digérer » :

  • Contrôle de l’administration des fabriques d’église,
  • Centralisation de l’administration des bourses d’études
  • Bénédiction par fosse dans les cimetières

En 1867, Charles Rogier se retira de la vie publique. Resté maître de la situation, Frère-Orban exerça, comme chef du Cabinet, une sorte d’omnipotence. La lutte parlementaire, accompagnée de polémiques de presse et de bagarres dans les rues, devint très vive. Chaque élection fournit aux partis une occasion de mesurer leurs forces.

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