Les Belges, leur histoire ...

et celle de leur patrie, la Belgique

La francisation de 1830

 

Le Gouvernement Provisoire
Le Gouvernement Provisoire  

Source : Bruxelles, où est le temps, p. 193

Pour mettre en branle les rouages des institutions belges, les hommes politiques de 1830 voulurent concilier, dans une juste mesure, les vestiges de l’Ancien Régime et l’apport de plusieurs décennies de domination française et hollandaise tout en tenant compte des exigences des temps nouveaux. On pourrait cependant leur reprocher d’avoir trop sacrifié aux idées du jour lorsqu’ils s’appuyèrent sur les seules libertés pour régler les situations les plus délicates.

Ainsi, le principe inscrit à l’article 23 de la Constitution était sage, mais insuffisant : « L’emploi des langues usitées en Belgique est facultatif  …».

Guillaume 1er
Guillaume 1er  

Un passé pour 10 millions de Belges

Séparée depuis la fin du 16e siècle par une barrière politique et religieuse de la Hollande, délaissée par les classes cultivées et systématiquement combattue sous le régime français, la langue flamande s’était appauvrie et avait cessé de se développer normalement. Un arrêté du Gouvernement Provisoire du 30 novembre 1830 remarquait : « La langue flamande en usage parmi les habitants de certaines localités varie tellement de province à province et quelquefois de district en district, qu’il serait impossible de publier dans cette langue un texte officiel des lois et des arrêtés ».

Certains parmi les constituants voyaient d’un mauvais œil la survivance dans les provinces du Nord de patois ne se rattachant pas au français. Ils jugeaient que leur développement ne pourrait que nuire à la bonne administration du pays. Les idées de centralisation napoléoniennes prédominaient encore à cette époque dans les milieux politiques et on jugeait que l’uniformité était la condition primordiale de la santé de l’Etat. C’est dans cette optique que Charles Rogier disait : « Les premiers principes d’une bonne administration sont basés sur l’emploi d’une langue et il est évident que la seule langue des Belges est le Français ».

D’autre part, la réaction bien naturelle qui se dessinait après la Révolution contre la « hollandisation » du roi Guillaume 1er, rendait impossible toute collaboration intellectuelle avec les Pays-Bas ; on ne pouvait songer à faire usage, pour suppléer à l’indigence du flamand, du parler des Hollandais qui, lui, avait pu continuer à se développer normalement.

Tout ceci explique qu’en 1830, le gouvernement belge fit du français la seule langue officielle. Linguistiquement parlant, le constat suivant s’imposait :

Séance au Sénat en 1831
Séance au Sénat en 1831  

Un passé pour 10 millions de Belges

  • L’administration générale, la justice, l’armée, l’enseignement étaient francisés
  • Tous les conseils communaux du pays, sauf trois, délibéraient en français
  • Dans les classes supérieures et moyennes, un penchant naturel pour la langue française chez les uns, la haine de l’orangisme chez les autres, ainsi que, chez les notables de la Belgique flamande, le dédain pour les patois régionaux, provoquèrent une réaction violente contre la langue flamande.

Un citoyen flamand avait donc le droit, en vertu de la Constitution, de s’adresser à ses juges ou aux agents de l’administration dans sa langue maternelle, mais comme cette langue était ignorée de beaucoup de personnes, il arrivait que le juge ou l’agent de l’administration ne le comprenne pas.

Les classes populaires acceptèrent sans murmurer cette situation. Dociles, elles ne se sentaient pas trop gênées par le fait que les dirigeants du pays ignoraient leur langue et, comme le peuple ne se soulève jamais s’il n’y est pas incité par des meneurs plus cultivés que lui, les ouvriers et les paysans flamands ne songèrent même pas à protester.

La classe populaire était donc indifférente ; la bourgeoisie francisée ne l’était pas moins. Bien peu de Belges songeaient, à cette époque, que la mort du flamand comme langue nationale était une mutilation du génie national.

La génération suivante va réveiller l’âme endormie du peuple flamand …

Flamands et Wallons