Les Belges, leur histoire ...

et celle de leur patrie, la Belgique

Toute-puissance du parti catholique


Pendant les 20 années qui précédèrent la Première Guerre mondiale, la Belgique resta ce qu’elle était devenue en 1893 : une démocratie à prédominance de petite bourgeoisie et de l’élément rural.

La Gauche et la Droite interrompirent quelquefois leurs querelles pour voter des lois sociales ou linguistiques, mais en général elles menèrent l’une contre l’autre une lutte constante :

  • Les catholiques ou cléricaux réussirent à maintenir leur bloc malgré l’opposition entre la Vieille et la Jeune Droite.
  • Les libéraux, les socialistes et les démocrates-chrétiens suivirent généralement une tactique d’action parallèle.

Auguste Beernaert avait regretté la disparition de la Gauche modérée de la scène politique. Il avait vainement proposé à la Chambre l’établissement d’un régime de représentation des partis proportionnelle au chiffre des suffrages (la RP). Fatigué d’être perpétuellement l’objet des attaques de Charles Woeste, il avait donné sa démission en mars 1894.

Avec le Cabinet De Burlet (1894-1898) s’ouvrit la série des ministères d’expression franchement cléricale. Dans leur volonté de détruire les derniers vestiges du régime scolaire libéral, les catholiques introduisirent, en 1895, une quatrième loi organique de l’enseignement primaire, d’un caractère ouvertement confessionnel (voir la guerre scolaire) qui contribua à aigrir les rapports entre le gouvernement et une partie de la population jouissant d’une puissante autonomie. La situation continua à s’empirer.

Instauration du régime de la Représentation proportionnelle (RP)

Le ministre Paul de Smet de Naeyer (1896-1899) maintint pour les élections générales, le vieux régime du scrutin de liste majoritaire. Or, en janvier 1899, Jules Vandenpeereboom, devenu chef du Cabinet, proposa la Représentation Proportionnelle (RP) limitée aux grands arrondissements, c’est-à-dire ceux à population urbaine de caractère oppositionnel (Bruxelles, Anvers, Gand, Liège, Charleroi), avec maintien du régime majoritaire dans les arrondissements de moins de 6 députés, généralement ruraux et favorables au gouvernement !

Paul de Smet de Naeyer Jules Vandenpeereboom
Paul de Smet de Naeyer   
La Belgique centenaire, p. 205
Jules Vandenpeereboom  
La Belgique centenaire, p. 199


Toutes les nuances du libéralisme et du socialisme s’unirent pour faire échec à ce projet. En juin 1899, il y eut du vacarme obstructionniste au Parlement et des manifestations dans les rues. Bref, le 5 août, Vandenpeereboom tombait. Le 24 novembre 1899, le second Cabinet de Smet de Naeyer (1899-1907) faisait voter la RP intégrale.

Le régime de la RP produisit un beau résultat et tempéra le pouvoir des catholiques. Voici, à titre de comparaisonn les représentations à la Chambre selon l’ancien et le nouveau système :
 

 Scrutin majoritaireReprésentation proportionnelle

Catholiques

112

86

Libéraux

12

33

Socialistes

28

33

 
L’opposition socialiste-libérale dut se cantonner dans le domaine ingrat de la résistance à outrance. Elle le fit sous la conduite de leaders éminents :

SocialistesLibéraux

Emile Vandervelde

Emile Vandervelde

Paul Hymans

Paul Hymans

Jules Destrée

Jules Destrée

Fulgence Masson

Fulgence Masson

Louis de Brouckère

Louis de Brouckère

Louis Franck

Louis Franck

Edmond Picard

Edmond Picard

Edmond Picard

Paul Janson

Hector Denis

Georges Lorand

Georges Lorand

Edouard Anseele

Edouard Anseele

Louis Bertrand

Louis Bertrand


L’union libérale de 1900

Affiche électorale libérale pour l'instruction obligatoire
Affiche électorale libérale pour l’instruction obligatoire

Source : Histoire de Belgique en mots et en images, p. 85

En 1900, le parti libéral, las de ses dissensions, réalisa son union sur un programme démocratique :

  • L’instruction obligatoire
  • La suppression du remplacement
  • L’égalité politique par la suppression du vote plural

Il fonda un Parti ouvrier Libéral se rapprochant ainsi des idées défendues par les socialistes. Toutefois, les grèves et émeutes d’avril 1902 génèrent la moyenne bourgeoisie qui s’éloigna des causes défendues par les Gauches. Les élections du 25 mai 1902 firent remonter la majorité catholique.

Mais à partir de 1904, cette majorité commença à fléchir. Dans les rangs catholiques, le premier ministre Schollaert se risqua de sortir un nouveau projet de loi scolaire en 1911. Aussitôt les Gauches formèrent un bloc de résistance et de tempétueux meetings furent organisés dans les grandes villes.

C’était la première fois que le roi Albert 1er se trouvait devant une situation tendue et il se garda bien d’encourager le Premier dans son entreprise aventureuse. Schollaert démissionna et eut pour successeur Charles de Broqueville qui soutenait, dans le parti catholique, la nuance « Jeune Droite ». Par sa tactique souple, il subtilisa en quelque sorte aux Gauches leurs plates-formes électorales, tout en restant fidèle aux principes conservateurs. 

En mai 1912, les Gauches avaient formé un grand cartel. Jamais leurs espérances n’avaient paru plus justifiées. Mais, comme en 1902, l’âpreté combative des socialistes, jointe à l’anticléricalisme des libéraux radicaux, épouvantèrent les modérés. Le scrutin de printemps fit remonter la majorité catholique !

Pendant les années 1913-1914, les Gauches eurent la satisfaction morale de voir réaliser par le parti adverse 2 points essentiels de leur programme :

  • Le service général, par la loi militaire, de 1913
  • L’instruction obligatoire, par la cinquième loi scolaire sur l’enseignement primaire du 19 mai 1914. Cette loi porta le temps de scolarité à 14 ans (création du quatrième degré)

Les élections de printemps, en 1914, avaient de nouveau entamé la majorité catholique. Le pays évoluait lentement, mais surement, vers le suffrage universel, lorsque la guerre vint le plonger dans le malheur.

Albert 1er Frans Schollaert Charles de Broqueville
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