André Vésale
André Vésale est un médecin belge considéré comme étant le plus grand anatomiste de la Renaissance, voire le plus grand de l’histoire de la médecine. Ses travaux ont permis de corriger des notions erronées qui prévalaient depuis plus de mille ans et bloquaient l’évolution scientifique.
A ce titre, on l’a surnommé « le père de l’anatomie moderne ».
La maison de Vésale à Bruxelles
Le descendant d’une lignée de médecins
André Vésale, né le 31 décembre 1514 à Bruxelles, est issu d’une famille flamande originaire de Wesel en Rhénanie. De son vrai nom, Andries Van Wesel, il fera Andreas Vesalius, l’usage de l’époque étant de latiniser les noms des personnes en vue.
André reçoit une solide éducation classique à Bruxelles, puis au Collège des Trois Langues de l’université de Louvain où il se décide à suivre la tradition familiale et d’étudier la médecine. Car il s’agit bien d’une véritable tradition familiale … Jugez plutôt :
- Son arrière-grand-père était le médecin de Charles le Téméraire
- Son grand-père était le médecin particulier de Maximilien d’Autriche
- Son père, Andries, était l’apothicaire de Maximilien d’Autriche et de sa fille Marguerite d’Autriche, la tante de Charles Quint.
La maison familiale étant située à proximité du gibet où s’effectuaient les exécutions, le jeune Vésale a l’opportunité de faire de premières observations sur les cadavres nettoyés par les oiseaux.
Ses études
Vésale au travail chez lui
En 1532, Vésale décide de poursuivre ses études à l’université de Paris. Il y étudie les théories de Galien (médecin grec de l’Antiquité) sous la direction de professeurs réputés. Les cours universitaires d’anatomie consistaient en une lecture des textes de Galien pendant qu’un barbier autopsiait un chien ou, pendant la saison hivernale et seulement à 2 reprises, un corps humain de pendu.
Vésale se découvre une passion pour l’anatomie et n’hésite pas à demander les corps des pendus au gibet de Montfaucon ou à les dérober si nécessaire. Il étudie alors ces corps et apprend à les disséquer dans sa cave, se familiarisant ainsi avec la véritable anatomie humaine. Un jour, alors que le barbier chargé de réaliser l’autopsie à l’université était souffrant, Vésale le remplace au pied levé. La séance de dissection suscite un tel intérêt que les autopsies suivantes lui sont également confiées.
Mais la guerre que se livrent François 1er et Charles Quint rappelle Vésale aux Pays-Bas. Après un court service dans l’armée impériale, il rentre à Louvain où il soutient sa thèse en 1537 avant de partir pour l’Italie.
Il se rend à l’université de Padoue qui n’obéit pas à l’Inquisition et où les recherches se font dans une grande liberté. Devenu docteur, il reçoit la chaire de chirurgie et d’anatomie. Parallèlement, il enseigne également à l’université de Bologne et à l’université de Pise.
L’anatomie avant Vésale
Au Moyen âge, la médecine du bassin méditerranéen bénéficie de l’héritage des 2 grands maîtres que furent Hippocrate (5e siècle avt J.C.) et Galien (2e siècle apr. J.C.).
Hippocrate Source : Wikipedia |
Galien Source : Wikipedia |
La dissection des corps humains étant interdite par le droit romain, Galien a dû se contenter de disséquer des singes en faisant valoir qu’ils étaient anatomiquement semblables aux humains. Une extrapolation un peu rapide ! Si à cela on ajoute la tradition de l’Eglise toute puissante consistant à interdire la dissection d’un corps humain sous prétexte qu’il est impossible de le toucher sans détériorer son âme, on comprendra que les connaissances anatomiques aient peu progressé depuis Galien.
Lorsque Vésale entreprend ses études, Galien est donc la principale référence des médecins ; la représentation qu’ils se font du corps humain et de son fonctionnement ne leur est pas personnelle puisqu’aucun n’a réalisé d’expérience permettant d’actualiser les travaux de Galien. La médecine galénique est enseignée comme un dogme dans les universités d’Europe occidentale ; les erreurs de Galien, même les plus grossières, sont ainsi répétées sans contestation !
Vésale réfute Galien
Lorsqu’il enseigne l’anatomie et la chirurgie à l’université de Padoue, Vésale rénove les leçons en pratiquant lui-même les dissections. Sur la table, près du cadavre ouvert, sont posés une plume et un encrier ainsi que du papier pour prendre les notes qui lui permettront de consigner le résultat de ses travaux. Il conserve d’ailleurs pour ses étudiants des dessins méticuleux sous la forme de 6 grands tableaux anatomiques illustrés. Souvent en manque de cadavres, il illustrera alors ses cours avec ces planches qu’il fera paraître dans un recueil sous le titre « Tabulae anatomicae sex » (Six tableaux anatomiques).
En 1539, la célébrité de Vésale est telle qu’il commence à obtenir un approvisionnement régulier en corps ; un juge de ses amis va même jusqu’à retarder les exécutions des condamnés à mort en fonction des « besoins cadavériques » de l’anatomiste. Les dissections se font en public et obtiennent un succès comparable à celui des exécutions …
A partir de ses propres dissections, Vésale est à même de démontrer que les descriptions anatomiques réalisées par Galien correspondent au corps d’un singe et non à celui d’un homme. Pour confirmer sa thèse, il dissèque le cadavre d’un singe et celui d’un homme.
Vésale entreprend ensuite la rédaction d’un impressionnant traité d’anatomie en 7 volumes qu’il publie en 1543 et qu’il dédie à Charles Quint : « De Humani Corporis Fabrica », couramment appelé « La Fabrica ». Le texte est illustré par des planches réalisées par le Titien et l’un de ses élèves. Vésale y dénonce 200 erreurs de Galien et des Anciens. Une seconde édition de l’ouvrage, corrigé et complété, paraîtra en 1555.
Voici, à titre d’information, ce que Vésale écrit dans la préface de « La Fabrica » :
« Comme les médecins jugeaient que seul le traitement des affections internes était de leur ressort et qu’ils pensaient que la connaissance des viscères leur suffisait amplement, ils négligèrent, comme si elle ne les regardait pas, la structure des os, des muscles, des nerfs, des veines et des artères qui irriguent les os et les muscles. Ajoutez à cela que l’abandon à des barbiers de l’anatomie fit non seulement perdre aux médecins toute connaissance réelle des viscères mais aussi toute habileté dans la dissection, à tel point qu’ils ne s’y livrèrent plus. Les médecins, parlant de choses qu’ils n’ont jamais abordées de près mais qu’ils ont prises dans les livres et confiées à leur mémoire, sans jamais regarder les objets décrits, plastronnent, juchés sur leur chaire, et y vont de leur couplet. Les barbiers sont tellement ignorants des langues qu’ils ne peuvent fournir aux spectateurs des explications sur les pièces disséquées ; il leur arrive aussi de lacérer les organes que le médecin leur ordonne de montrer. Celui-ci, qui n’a jamais mis la main à une dissection, se contente de son commentaire. Ainsi, tout est enseigné de travers ; les journées passent à des questions ridicules et, dans tout ce tumulte, on présente aux assistants moins de choses qu’un boucher, à l’abattoir, ne pourrait en montrer à un médecin ; et je ne parle pas des Ecoles où l’idée de disséquer l’organisme humain n’est guère venue à l’esprit : voilà à quel point l’antique médecine a vu, depuis d’assez nombreuses années déjà, ternir son ancien éclat ».
Ce traité, le plus exact et le plus complet de l’époque, provoque des débats passionnés ; il est à la fois un sujet d’admiration et de scandale. Ecoeuré et découragé par les propos irascibles des galénistes convaincus, Vésale abandonne l’étude de l’anatomie et brûle même ses manuscrits … ce qu’il regrettera ultérieurement !
Au service de l’empereur
Après un séjour à Pise, Vésale rejoint Charles Quint à Bruxelles et devient son premier médecin personnel. Il perpétue ainsi la longue tradition de service à l’Empire de sa famille. Sa vie n’en devient pas pour autant un long fleuve tranquille : il accompagne l’empereur lors de ses voyages et de ses campagnes et parcourt sans cesse l’Empire par monts et par vaux.
En 1555, Charles Quint abdique et nomme Vésale « comte palatin » au service de son fils Philippe II d’Espagne. Pendant quelques temps il jouira d’une position brillante à la cour de Madrid.
Grâce à ses connaissances anatomiques, Vésale s’illustre comme chirurgien de l’armée impériale. Sa réputation dans ce domaine devient même si grande qu’en 1559, lorsque Henri II, roi de France, est blessé d’un coup de lance, il est appelé à son chevet malgré la présence d’Ambroise Paré, le chirurgien du roi. Vésale ne pourra que constater le caractère mortel de la blessure : la lance avait pénétré par l’œil et lésé le cerveau.
Une fin de vie controversée
En 1564, Vésale se rend en pèlerinage en Terre Sainte. A son arrivée à Jérusalem, il reçoit un message lui demandant d’accepter une nouvelle fois le poste de professeur à l’université de Padoue devenu vacant. Lors du voyage de retour, son bateau fait naufrage près des côtes de l’île grecque de Zante où l’humaniste meurt du typhus le 15 octobre 1564 à l’âge de 50 ans.
Mais pourquoi donc Vésale a-t-il ressenti le besoin d’effectuer un pèlerinage, lui qui n’avait pas hésité à braver les interdits de l’Eglise ? L’explication relève à la fois de la rumeur et de la légende sans que des faits avérés aient corroboré une hypothèse plausible. Le conditionnel est donc plus que jamais de mise …
N’ayant pu sauver une dame de la cour, Vésale aurait voulu connaître la cause de sa mort et demandé l’autorisation de pratiquer une autopsie. Alors que le thorax était ouvert, le frère de la défunte aurait cru voir battre le cœur et accusé le médecin d’avoir disséqué une personne vivante.
L’affaire aurait été portée devant le Tribunal de l’Inquisition qui aurait condamné le médecin au bûcher. Vésale aurait cependant été sauvé par Philippe II qui aurait commué la peine en exil définitif après un pèlerinage à Jérusalem.
Contexte historique :