Les Belges, leur histoire ...

et celle de leur patrie, la Belgique

Liévin Bauwens

Liévin Bauwens


Liévin Bauwens, capitaine d’industrie gantois et espion économique, réussit, à la fin du 18e siècle, à importer le secret de la mule-jenny anglaise en démontant la machine et en l’expédiant pièce par pièce vers le continent.

Il introduisit ainsi le procédé de la filature mécanique du coton à l’origine de l’essor de l’industrie textile.

Tu seras mégissier, mon fils !

Mégissier au travail
Mégissier au travail

Liévin Bauwens naît le 14 juin 1769 à Gand. Il est l’aîné des 12 enfants d’un mégissier qui destine son fils à prendre sa succession. Aussi, le jeune Liévin doit-il quitter l’école à l’âge de 13 ans pour aller travailler dans la mégisserie familiale. Quatre ans plus tard, il effectue un voyage d’études de 3 ans en Angleterre pour se former aux dernières techniques de la mégisserie.

A son retour, il fonde à Gand une tannerie moderne dotée de 550 cuves de tannage et y emploie 200 ouvriers. Le voyage en Angleterre avait porté ses fruits : il était maintenant possible de produire un magnifique cuir au bout de 6 semaines de travail alors que dans le passé il fallait 6 mois !

Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes : les affaires prospéraient et la famille Bauwens s’enrichissait. A la mort du père, Liévin et son frère François reprennent la direction des affaires. A cette époque, la Belgique subit l’occupation française et souffre des pillages de la soldatesque française. Chez les Bauwens, on n’a cependant aucun scrupule pour passer de juteux marchés avec l’armée française et à la pourvoir en chaussures et en bottes. Passant pour des collaborateurs aux yeux des Gantois et craignant la vindicte populaire, les 2 frères sont contraints de se réfugier à Paris.

La fortune étant au rendez-vous, Liévin et François ne tardent pas à créer de nouvelles sociétés y compris en Angleterre où ils se lancent dans le commerce des denrées coloniales (coton indien, café, sucre). C’est précisément en Angleterre que va commencer à germer une idée folle dans l’esprit de Liévin …

Les Anglais, cerbères de la mule-jenny

Avant la mécanisation, les fibres textiles étaient transformées en fil à tisser, à domicile, par les femmes et les enfants à l’aide d’un rouet. Ce travail était très long et, pour approvisionner un seul tisserand, il était nécessaire d’avoir recours à plusieurs fileuses. Aussi plusieurs inventeurs anglais eurent-ils à cœur d’étudier des procédés aptes à économiser le travail et à accélérer la production. La mule-jenny de Samuel Crompton fut l’aboutissement de l’ensemble de ces efforts de mécanisation du filage.

Samuel Crompton

Spinning mule de Samuel Crompton

Samuel Crompton

Spinning mule de Samuel Crompton


Mais au fait, que se cache-t-il exactement derrière ce nom un peu bizarre ?

La mule-jenny est une machine à énergie hydraulique capable de filer d’un même mouvement de 30 à 1.000 fils en même temps. Elle donne non seulement du fil solide mais elle génère surtout du fil très fin et égal convenant à tous les types de textiles y compris les plus légers tels que la mousseline.

Grâce à la mule-jenny, l’Angleterre a pu s’assurer une position prédominante dans l’industrie du coton. Rien d’étonnant donc à ce qu’elle veuille garder le secret de cette mécanique sur son territoire et promette le malheur à celui qui s’aventurerait à le divulguer ; c’était bien simple : tout traitre serait condamné à mort !

De l’espionnage industriel …

Métier à tisser de Liévin Bauwens
Métier à tisser de Liévin Bauwens

Source : Repères en histoire de Belgique

Tout à son commerce de denrées coloniales en Angleterre, Liévin prend rapidement conscience de la place importante occupée par la filature mécanique dans l’essor économique anglais. Passionné depuis l’enfance par les machines, le Gantois va en acheter pour les étudier. Ensuite, il utilisera la ruse : il dissimule des pièces détachées de la mule-jenny dans des caisses de sucre ou des ballots de café et les expédie vers le continent, via Hambourg où l’un de ses frères détient une maison de commerce. Il lui faudra, bien sûr, répéter l’opération plusieurs fois pour reconstituer une machine dans sa totalité.

Mais il ne suffit pas d’avoir une machine, encore faut-il la faire fonctionner. Pour cela aussi, Liévin a tout prévu ! Il utilise ses relations à Londres pour recruter des ouvriers qualifiés, aveuglés par les fortes rémunérations et inconscients d’être embarqués dans une opération d’espionnage industriel. L’objectif de Bauwens n’est pas des plus honnêtes : dès qu’il aura achevé de former de la main-d’œuvre locale meilleur marché, il se débarrassera sans scrupule des ouvriers anglais …

Au bout de 3 ans, alors qu’il ne reste plus qu’un seul chargement de pièces à faire passer, un traître vend la mèche à la police. Plusieurs navires anglais se lancent à la poursuite du Gantois et, arrivés en Allemagne, les autorités anglaises exigent que le contrebandier leur soit livré. Liévin n’arrive à se sortir de ce mauvais pas que grâce à sa fortune mais la marchandise est confisquée et ses complices sont condamnés à la prison et à de fortes amendes.

Voilà donc Liévin Bauwens propriétaire d’une machine dont il manque des pièces ! Le savoir et l’ingéniosité de l’homme parviendront à surmonter ce souci : les pièces manquantes seront reconstituées et la mule-jenny sera parfaitement opérationnelle.

Un empire textile qui n’échappe pas à Napoléon

Napoléon Bonaparte
Napoléon Bonaparte

Source : Quand la Belgique était française

Revenu à Gand en 1800, Liévin Bauwens ouvre une grande filature mécanique où quelque 3.000 travailleurs produisent pour lui toutes sortes de tissus. Dans le même temps, il met ses machines sur le marché et, en l’espace d’une douzaine d’années, 25 filatures et 15 usines de tissage naissent dans la région gantoise. C’est le début d’une industrie cotonnière verticale capable de prendre en charge, par une conjonction d’ateliers, le filage, le tissage et l’impression des tissus.

Liévin Bauwens se révèle être le créateur d’une industrie qui devient très puissante et qui permet aux industriels gantois de s’enrichir en peu de temps et de rivaliser avec l’Angleterre. Des quatre coins de l’Europe, on vient visiter ses ateliers et Napoléon en personne ne manque pas de rendre visite à l’industriel. François, le frère et associé de Liévin, se lancera d’ailleurs dans la production industrielle de la mule-jenny à Paris.

Désireux de rendre hommage au mérite du bonapartiste convaincu qu’est Liévin Bauwens, Napoléon :

  • Le nomme bourgmestre de Gand en 1800
  • En 1805, il lui décerne la Médaille d’Or de la ville de Gand
  • En 1810, il le décore de la Croix de la Légion d’Honneur.
  • Bauwens devient également membre du Conseil Général du Département de l’Escaut
  • Enfin, il est nommé lieutenant-colonel de la Garde d’honneur à cheval.

La déchéance

A la tête de son empire, Bauwens ne lésine pas sur le luxe. Ignorant l’art d’économiser, il finit par être victime du manque de clarté de sa comptabilité.

Le blocus instauré par Napoléon fait sentir ses effets et l’industrie cotonnière gantoise commence à péricliter. Bauwens ayant tout investi en machines et en immobilier ne disposait que de faibles réserves financières. Il subit des pertes financières considérables et est contraint de licencier la moitié de son personnel.

Quelques années plus tard, la chute de l’empire napoléonien va entraîner Bauwens à sa suite : c’est la faillite avec abandon des usines aux créanciers et retraite à Paris.

Liévin Bauwens meurt inopinément le 17 mars 1822 à l’âge de 53 ans. Il est inhumé au cimetière du Père Lachaise à Paris.

 

Contexte historique :

Quelques célébrités belges