Les hostilités
Août 1830
La population bruxelloise est surexcitée. Les ouvriers, insuffisamment salariés, souffrent de la crise du chômage et de la cherté de la vie : une mauvaise récolte due à un hiver rigoureux a fait doubler le prix du pain.
Parallèlement, les autorités hollandaises cherchent à temporiser et à supprimer les sujets de mécontentement. C’est ainsi qu’ils interdisent, dans un premier temps, les représentations de La Muette de Portici à cause de certains passages jugés trop patriotiques.
Quelques jours plus tard, l’opéra est à nouveau autorisé et joué au Théâtre de la Monnaie le 25 août. Au moment où l’acteur principal entonne l’air célèbre :
Amour sacré de la patrie,
Rends-nous l’audace et la fierté !
A mon pays, je dois la vie,
Il me devra sa liberté
le public manifeste un grand enthousiasme et la salle entière se lève pour acclamer frénétiquement.
L’affiche Source : Histoire illustrée de la Belgique, p. 148 |
Le décor Source : Quand la Belgique était hollandaise, p. 142 |
Le public est enthousiaste centenaire, p. 133 |
Quelques spectateurs gagnent les sorties et incitent à la révolte la population bruxelloise. C’est l’émeute. Les carreaux du bureau du journal orangiste « Le National » sont brisés par des manifestants. Les maisons des principaux agents du gouvernement hollandais sont mises à sac. Les autorités, affolées, ne prennent aucune mesure défensive.
Au cours de la nuit, la populace remplace les premiers manifestants et va dévaster les magasins d’alimentation et briser les nouvelles machines dans les usines des faubourgs de la capitale. La garnison demeure toujours passive.
Le 26 août, le calme est loin d’être revenu à Bruxelles. Face à ce désordre et devant l’inertie des autorités, les notables de la ville, voyant leurs propriétés menacées, décident d’agir par leurs propres moyens et créent en hâte une garde bourgeoise, milice armée chargée de veiller à la sécurité publique. Elle est placée sous le commandement du baron Emmanuel Van der Linden d’Hooghvorst et parvient à grouper 10.000 hommes en moins de 2 jours. La garde reprend à son compte le drapeau rouge, jaune et noir de la révolution brabançonne et en confie la confection à Marie Abts. Il sera hissé au balcon de l’hôtel de ville le soir même.
Le 27 août, la milice bourgeoise réussit à rétablir le calme à Bruxelles. Mais les événements de la capitale ne tardent pas à se répéter aux 4 coins du pays et l’effervescence s’empare des masses. Presque partout les autorités officielles cèdent le pouvoir à la bourgeoisie.
Le 28 août, les notables envoient une adresse au roi, insistant sur les racines profondes de l’émeute et l’urgence d’obtenir de larges concessions. Guillaume 1er rejette en bloc les revendications.
A la fin du mois d’août, nombreux sont cependant ceux qui croient encore en une solution pacifique du conflit. Les premières tendances vont vers une séparation administrative du Nord et du Sud, associés dans une union personnelle sous la dynastie d’Orange.
Septembre 1830
Entre-temps, Guillaume 1er envoie une troupe de 6.000 hommes vers Bruxelles et charge leur chef, son fils aîné, le prince Guillaume, de se rendre compte de la situation. L’arrivée des troupes hollandaises le 1er septembre irrite le peuple qui prend aussitôt les armes et monte plusieurs barricades de pavés. Au bout de 2 jours de négociations, le prince promet de jouer un rôle de médiateur auprès de son père. Ce sera cependant un échec.
Le 4 septembre, un contingent de 500 volontaires emmené par Charles Rogier, quitte Liège et arrive à Bruxelles 3 jours plus tard.
Le 11 septembre, la garde bourgeoise crée en son sein une Commission de sûreté, qui est transformée en Commission d’ordre public avant de s’appeler définitivement Commission Administrative Provisoire. Par ces mesures, la garde bourgeoise prolonge et institutionnalise ses pouvoirs. Elle va ainsi devenir un organe politique, capable d’entamer avec le gouvernement de La Haye des négociations sur l’avenir de la Belgique.
Le 13 septembre, les députés belges se rendent à La Haye pour y défendre une nouvelle fois leur position. Des volontaires de province commencent à affluer à Bruxelles.
Quelques figures importantes, parmi lesquelles Charles Rogier, Edouard Ducpétiaux et Alexandre Gendebien décident, le 18 septembre, d’étendre le principe de l’extension de la révolte à toutes les provinces au cas où les troupes hollandaises décideraient de marcher sur Bruxelles.
Charles Rogier | Edouard Ducpétiaux Source : Wikipedia |
Alexandre Gendebien Source : Quand la Belgique était hollandaise, p. 108 |
Le 19 septembre, l’Hôtel de Ville de Bruxelles est envahi par une foule armée et hurlante, réclamant du pain, du travail et des fusils. Elle s’empare d’ailleurs des armes de la garde bourgeoise tandis que de nombreux leaders quittent la ville où la désorganisation est à nouveau totale à la veille des « journées de septembre ».
Le roi donne l’ordre à son second fils, le prince Frédéric, de marcher sur Bruxelles avec 14.000 hommes pour y dicter le respect des lois. Lorsque, le 23 septembre, la troupe hollandaise fait son entrée à Bruxelles, la plupart des chefs de la Révolution s’enfuient craignant une répression sanglante. La première résistance est donc l’œuvre du petit peuple et de quelques volontaires liégeois parmi lesquels un canonnier intrépide, Charlier Jambe de Bois.
Les Hollandais adoptent une stratégie concentrique consistant à marcher sur 4 colonnes simultanées et à s’attaquer à la ville par 4 de ses portes.
- La porte de Flandre
- La porte de Laeken
- La porte de Schaerbeek
- La porte de Louvain
La capitale est défendue par les volontaires postés sur de nombreuses barricades. Une seule des 4 colonnes parvient à pénétrer dans la ville par la porte de Schaerbeek et les troupes ennemies s’avancent dans la rue Royale où des projectiles de tous genres pleuvent des fenêtres et des toits.
Les Hollandais atteignent péniblement le Parc de Bruxelles et s’y engouffrent. Ils sont tombés dans une souricière car entre-temps, des villageois brabançons sont venus se joindre aux insurgés de Bruxelles et resserrent l’étau …
Charlier Jambe de Bois La Belgique centenaire, p. 135 |
Projectiles sur les troupes hollandaises Bruxelles, où est le temps, p. 24 |
Attaque du Parc de Bruxelles Un passé pour 10 millions de Belges, p. 95 |
Dès l’aube du 24 septembre et pendant toute la journée du 25 septembre, la lutte reprend avec acharnement.
Le dimanche 26 septembre se joue la partie finale. Les troupes hollandaises tentent un ultime effort mais sont enveloppés par des tirs de canon et le feu nourri des hommes derrières les barricades.
Le 27 septembre, à 5 heures du matin, les Belges s’apprêtent à assaillir le Parc de Bruxelles mais leurs premières salves ne reçoivent aucune réponse : le parc est vide ! Les Hollandais s’étaient retirés entre minuit et 3 heures du matin profitant d’un épais brouillard.
La victoire des insurgés à Bruxelles produit, sur-le-champ, une exaltation intense. Dans les campagnes, le clergé prêche l’avènement des temps nouveaux. Le gouvernement provisoire envoie immédiatement des émissaires dans les places fortifiées et les villes de garnison. Avec le concours des patriotes locaux ils réduisent à l’impuissance les militaires hollandais.
Octobre et novembre 1830
Un tournant définitif a lieu le 27 octobre. Suite à des attaques désordonnées de l’armée des volontaires belges, les troupes hollandaises dirigent leurs canons sur Anvers. Ce bombardement coûte la vie à 85 personnes. Les Orange-Nassau ayant maintenant du sang sur les mains, l’idée d’une séparation administrative sous une même couronne ne peut désormais plus être envisagée.
Aux premiers jours de novembre 1830, le territoire belge était pratiquement libre. Les bandes de volontaires composées de bourgeois, d’ouvriers, de paysans et d’anciens officiers n’eurent plus qu’à poursuivre un ennemi en pleine déroute. Partout, des évacuations s’opèrent en conservant, suivant les instructions du roi, une attitude calme et imposante.
Bombardement d’Anvers Histoire de la Belgique en mots et en images, p. 46 |
Fuite des Hollandais Histoire illustrée de la Belgique, p. 151 |