Les Belges, leur histoire ...

et celle de leur patrie, la Belgique

Les Cockerill, père et fils

Hauts fourneaux

 
Il suffit de la venue à Verviers d’un mécanicien anglais et de sa famille pour que la région liégeoise entre dans la révolution industrielle et bénéficie d’un essor économique significatif et durable.

William et John Cockerill méritent, à ce titre, d’être évoqués dans nos pages.

William Cockerill
William Cockerill

L’arrivée de William Cockerill

Au 18e siècle, la révolution industrielle bat son plein au Royaume-Uni, principalement dans le secteur textile où de nombreuses inventions ont permis d’accroître la production tout en diminuant ses coûts. Grâce à l’avance technologique des métiers à filer, du cardage et du tissage, les tissus anglais bénéficient d’une réputation mondiale.

William Cockerill, né en 1759 dans le Lancashire, est devenu expert en construction de machines textiles. Il caresse l’espoir de mettre son expertise au service des industriels du continent européen, et en 1795, il entreprend un long périple qui le mène successivement en Russie, en Suède et dans le Saint Empire Romain Germanique. N’arrivant pas à convaincre ses interlocuteurs, sa tentative semble vouée à l’échec.

Machine textile
Machine textile

Mais le vent va tourner un jour de 1797 lorsque, à Hambourg, le hasard le met en contact avec un agent des drapiers verviétois Simonis et Biolley. William lui présente son projet en insistant sur l’économie de temps et de main-d’œuvre qu’il permettra de générer. Après un temps de réflexion, Cockerill est convoqué à Verviers où on lui propose de signer un contrat d’exclusivité pour la livraison de machines. Très gêné financièrement, il fait ajouter une clause stipulant que les matières premières nécessaires à la confection des machines devront lui être offertes gracieusement.

Pendant toute la durée du contrat, les innovations de l’Anglais pour la mécanisation du traitement de la laine vont présider à la prospérité de Verviers et contribuer à l’essor économique de la région pendant plus d’un siècle.

En 1807, lorsque le contrat d’exclusivité conclu avec Simonis et Biolley arrive à échéance, William Cockerill est libre de ses mouvements et peut créer sa propre entreprise. C’est ainsi qu’il établit à Liège un atelier de construction de machines à carder et à filer la laine. Ces machines étant construites essentiellement en bois, elles permettent l’embauche de nombreux menuisiers et forgerons.

Après avoir été naturalisé Français par Napoléon en 1810, William se retire des affaires 2 ans plus tard. Ses 2 fils, Charles-James et John lui succèdent.

William Cockerill meurt en 1832 à Aix-la-Chapelle.

John Cockerill
John Cockerill

Source : Wikipedia

L’empire de John Cockerill

Après la chute de l’empire napoléonien, les frères Cockerill vont s’efforcer de mettre fin au monopole de l’Angleterre sur la construction des machines à vapeur. Ce sera le début de la prospérité de l’industrie belge.

En 1817, les Cockerill achètent l’ancienne résidence d’été des princes-évêques de Liège à Seraing. La propriété étant située en bord de Meuse dans une région ouvrière riche en charbon et en minerai de fer, ils y fondent leur première industrie sidérurgique. L’établissement commencera à grandir de manière significative à partir de 1823 lorsque John deviendra le seul propriétaire après la cession consentie par son frère.

A un premier haut-fourneau à coke, John va ajouter successivement :

  • Des fonderies
  • Des forges
  • Des laminoirs
  • Des ateliers de construction mécanique

Il intègre ainsi verticalement toute la production industrielle qui, par ailleurs peut être écoulée aisément grâce à la localisation des usines à proximité d’une ligne de chemin de fer et d’un port sur la Meuse.

Première locomotive belge en 1835
La première locomotive belge (1835)

Source : Wikipedia

Le chemin de fer ?   Une manne céleste pour l’industriel ! La construction de la première ligne de chemin de fer du continent entre Bruxelles et Malines a, elle aussi, offert une impulsion considérable aux ateliers Cockerill chargés de la construction :

  • Des rails
  • Des wagons
  • Des locomotives

En 1838, John Cockerill est à la tête d’un empire industriel qui contribue à faire de la Belgique la deuxième puissance industrielle du monde, juste derrière la Grande-Bretagne.

Il meurt 2 ans plus tard en 1840, emporté par la fièvre typhoïde contractée lors d’un voyage d’affaires à Varsovie. Il était âgé de 50 ans.

Victor Hugo, que les nombreux voyages mènent à travers l’Europe, passe par Seraing en 1842. Il se rappellera de cet épisode en ces termes :

« Cependant le soir vient, […] les voyageurs bâillent à qui mieux mieux dans la voiture en disant : Nous serons à Liège dans une heure. C’est dans ce moment-là que le paysage prend tout à coup un aspect extraordinaire. Là-bas, dans les futaies, au pied des collines brunes et velues de l’occident, deux rondes prunelles de feu éclatent et resplendissent comme des yeux de tigre. Ici, au bord de la route, voici un effrayant chandelier de quatre-vingts pieds de haut qui flambe dans le paysage et qui jette sur les rochers, les forêts et les ravins, des réverbérations sinistres. Plus loin, à l’entrée de cette vallée enfouie dans l’ombre, il y a une gueule pleine de braise qui s’ouvre et se ferme brusquement et d’où sort par instants avec d’affreux hoquets une langue de flamme.

Ce sont les usines qui s’allument.

Quand on a passé le lieu appelé la Petite-Flemalle, la chose devient inexprimable et vraiment magnifique. Toute la vallée semble trouée de cratères en éruption. Quelques-uns dégorgent derrière les taillis des tourbillons de vapeur écarlate étoilée d’étincelles ; d’autres dessinent lugubrement sur un fond rouge la noire silhouette des villages ; ailleurs les flammes apparaissent à travers les crevasses d’un groupe d’édifices. On croirait qu’une armée ennemie vient de traverser le pays, et que vingt bourgs mis à sac vous offrent à la fois dans cette nuit ténébreuse tous les aspects et toutes les phases de l’incendie, ceux-là embrasés, ceux-ci fumants, les autres flamboyants.

Société John Cockerill en 1852
La S.A. John Cockerill en 1852

Source : La Wallonie, son histoire p. 123

Ce spectacle de guerre est donné par la paix ; cette copie effroyable de la dévastation est faite par l’industrie. Vous avez tout simplement là sous les yeux les hauts fourneaux de M. Cockerill. »

L’héritage de Cockerill

Les héritiers bénéficiaires du patrimoine de l’industriel provoquent la création, en 1842, d’une société anonyme pour l’exploitation des établissements de John Cockerill à Seraing et à Liège.

L’entreprise se répartit en 5 divisions :

  1. La division Houillères
  2. La division Minières
  3. La division Fonderies
  4. La division fabrique de fer
  5. La division Ateliers de construction

On pouvait dire alors, à juste titre d’ailleurs, que le fer entrait dans l’entreprise à l’état de minerai et en sortait en machines à vapeur !

Après la Seconde Guerre mondiale, l’industrie sidérurgique doit se moderniser et se regrouper. La s.a. John Cockerill fusionne ainsi successivement avec les sociétés suivantes :

  • Ougrée-Marihaye (1955)
  • Les Forges de la Providence (1970)
  • Espérance-Longdoz (1970).

Ce mouvement s’accélère ensuite avec la crise économique des années 1970-80 :

  • Regroupement avec les industries du bassin de Charleroi : Cockerill-Sambre
  • En difficulté, Cockerill-Sambre est racheté par l’Etat belge
  • Intégration dans le groupe Usinor (1998)
  • Arcelor (2002)
  • Rachat par le groupe Mittal Steel en 2006 sous le nom d’Arcelor-Mittal.

Cockerill-Sambre

ArcelorMittal

 

Contexte historique :

Quelques célébrités belges