Edouard Empain
Ingénieur, entrepreneur, financier et égyptologue amateur, Edouard Empain est le fondateur d’une célèbre dynastie industrielle belge.
D’origine modeste, il a réussi à s’élever très haut dans la hiérarchie sociale. Par son génie d’homme d’affaires, il est parvenu à rassembler une fortune remarquable et pressentir les besoins de son époque. A sa mort, son « empire » comptait une centaine de sociétés et la création d’une ville en Egypte : Héliopolis.
Sa jeunesse
Si Edouard Empain est devenu un riche industriel, il serait cependant faux de croire qu’il est né avec une cuiller d’argent dans la bouche !
Le roi Léopold II
Source : Un passé pour 10 millions de Belges
Edouard naît le 20 septembre 1852 à Beloeil, dans le Hainaut. Il est le premier des 7 enfants d’un modeste instituteur de village dont le salaire suffit à peine à nourrir sa famille. Encore enfant, Edouard caresse déjà le rêve de devenir ingénieur mais son père ne pourra lui offrir que des études secondaires. Obstiné, le jeune homme ne se décourage pas et trouve du travail. Tout en gagnant sa vie, il prépare son examen d’ingénieur au Jury Central, une tâche ardue qu’il mènera néanmoins à bonne fin.
Il entre alors dans une société houillère et métallurgique où il bénéficiera d’une carrière fulgurante en occupant successivement des postes de :
- Dessinateur
- Chef de bureau d’étude
- Ingénieur en chef
- Administrateur.
Cette situation aisée ne le satisfait cependant pas car il nourrit des projets plus ambitieux. Or, pour réaliser ces nouveaux objectifs, il doit voler de ses propres ailes et devenir chef de son entreprise.
Nous sommes à l’époque de Léopold II surnommé « le Roi bâtisseur ». De grands chantiers s’ouvrent un peu partout ce qui donne l’idée à Empain d’acheter et d’exploiter une carrière dans le Namurois. Une intuition de génie qui permet à notre homme de faire rapidement fortune et d’acheter jusqu’à 4 carrières un peu partout en Wallonie.
Ce sera le début d’une carrière industrielle bien remplie dont nous nous bornerons à évoquer quelques points-clés.
Le chemin de fer vicinal
Force est de constater que le réseau ferré de l’époque ne dessert pas les campagnes et que, dès lors, les carrières Empain ne bénéficient pas de moyens de communication efficaces. Dans l’esprit ingénieux d’Edouard naît alors l’idée de créer des transports locaux destinés à relier les villages aux villes. Il faut par conséquent prévoir un chemin de fer vicinal sur voies étroites ! Très convaincant dans la défense de son projet, il rassemble les fonds nécessaires à la mise sur pied de la « Société des Railways économiques de Liège-Seraing et Extensions » qui établit successivement :
- Le vicinal Liège-Jemeppe sur la rive gauche de la Meuse
- Le « Petit Tram » entre Ixelles et Boendael
Le succès de la société des transports vicinaux est total mais les pouvoirs publics freineront son élan en créant la « Société nationale des Chemins de Fer Vicinaux (SNCV).
Le marché belge se ferme mais en France tout reste à faire dans ce domaine …
La traction électrique
Le progrès est en marche … Après la traction à vapeur, on parle de traction électrique pour les transports urbains. Empain ne fait pas partie des sceptiques car il devine que l’idée est bonne et qu’elle représente l’avenir du transport. En 1891, il met cette idée en application pour les tramways urbains.
En l’espace de 10 ans, il construit les tramways électriques de :
- Boulogne
- Lille
- Le Caire
- Bruxelles
- Gand
- Charleroi
- Le littoral de la Mer du Nord
Son activité dans ce domaine s’étend également à la Russie, à l’Espagne et à la Chine.
Suivront encore quelques fédérations d’entreprises de transport et compagnies générales, mais son œuvre la plus remarquable dans ce domaine sera la réalisation du métro de Paris qui lui vaudra une célébrité universelle.
Le métro parisien
En 1897, la France s’apprête à organiser l’Exposition universelle de 1900 et, contrairement à Londres, Berlin et New York, Paris n’a pas de métro. Elle en a cependant bien besoin car la circulation en surface est devenue impossible étant donné l’incroyable enchevêtrement des lignes de tramways et des milliers de fiacres. On a même été jusqu’à mettre des bateaux-mouches en circulation sur la Seine mais le problème est resté entier : Paris est un énorme bouchon !
Il devient donc indispensable de doter Paris d’un métro qui devra être opérationnel en moins de 2 ans.
Le projet présenté par Empain est retenu. Ce sera évidemment un chantier gigantesque :
- 65 km de lignes
- 118 stations
- Congélation par portions du sol afin de pouvoir creuser et étançonner
- Evacuation de 1.000 m3 de gravats toutes les nuits
Le travail est entamé selon la méthode belge : on attaque le tunnel par le dessus, on étançonne les terres supérieures, puis on maçonne la voûte et on va vers le fond du tunnel. 2.000 terrassiers travaillent jour et nuit afin de respecter les délais impartis.
L’épopée est une réussite. En 1900, le métro est inauguré et maintenant l’évocation du nom « Empain », veut dire quelque chose en France au même titre qu’en Belgique. Car, il faut bien l’avouer, l’industriel belge n’en était pas à son premier coup d’essai sur le territoire français. En l’espace de 10 ans, il avait implanté pas moins de 10 sociétés.
Une banque !
C’est bien connu, l’argent a toujours été le nerf de la guerre … et des affaires. Pour créer des entreprises et les faire fonctionner il faut des sommes énormes et les banquiers sont longs à convaincre ou carrément réticents. Empain a alors une nouvelle idée : pourquoi ne pas devenir banquier lui-même ? A l’époque, l’activité bancaire se limite au commerce de l’argent et de l’or. Empain voit les choses différemment : sa banque prendra des intérêts dans les industries existantes et mettra à la disposition des entreprises des moyens financiers habituellement malaisés à rassembler. Il sera alors possible de faire de grandes concentrations d’argent et de réaliser de vastes projets.
En 1881, la Banque Empain voit le jour. Il s’agit d’une des premières sociétés holding du monde ! Son siège se trouve dans l’hôtel de Knuyt de Vosmaer où, en 1884, Empain fait également aménager ses appartements particuliers.
En 1919, la banque changera de nom ; on parlera dorénavant de la Banque Industrielle Belge.
La reconnaissance de Léopold II
Plaque des ACEC de Charleroi
Le roi Léopold II souffrait du manque d’audace des financiers belges peu disposés à investir des capitaux pour permettre à l’Etat Indépendant du Congo de vivre et de se développer. Aussi, un homme aussi entreprenant qu’Empain ne pouvait-il que séduire Léopold II.
En 1904, le roi appelle l’industriel et lui propose de réfléchir à un vaste réseau ferré destiné à desservir les articulations essentielles à la prospérité du Congo. Empain obtempère en créant « La Compagnie des Grands Lacs africains ».
A Charleroi, la société « Electricité et Hydraulique » est victime de la concurrence allemande. Dans l’intérêt national, Léopold II demande de reprendre l’entreprise. Empain y injecte des capitaux et crée en 1905, la « Société des Ateliers de Constructions Electriques de Charleroi » (ACEC). L’affaire redémarre instantanément et atteint, en moins de 15 ans, un niveau mondial.
En reconnaissance pour son apport à l’œuvre congolaise et au développement économique du pays, le roi anoblit Edouard Empain en 1907 et lui accorde le titre de baron.
Héliopolis
Bien décidé à réaliser son dernier rêve, Edouard Empain va se lancer dans un vaste projet immobilier : créer de toutes pièces, en Egypte, un ensemble urbain inspiré des cités-jardins. Il achète, au gouvernement égyptien, 2.500 hectares au Nord du Caire et entame, en 1905, la construction de maisons et de jardins dans une vaste oasis. Ce sera Héliopolis, la « Ville du Soleil ».
Destinée aux riches expatriés installés au Caire, Héliopolis sera raccordée à l’eau et à l’électricité ; ses belles maisons seront agrémentées de beaux jardins et de larges avenues arborées et fleuries permettront de se déplacer aisément grâce à un réseau de tramways.
Petit à petit Héliopolis prend forme ; on y trouve notamment :
- Un hippodrome
- Des piscines
- Des terrains de tennis
- Un aérodrome
- Un lunapark comprenant une grande roue et des montagnes russes.
En outre, Empain ordonne également la construction, d’une part, d’une basilique inspirée des plans de Sainte-Sophie et, d’autre part, d’une villa hindoue au décor somptueux. Elle servira de résidence au baron lors de ses séjours à Héliopolis.
Une villa parmi d’autres | La basilique | La villa hindoue, résidence du baron |
Ses dernières volontés
Décédé le 22 juillet 1929 à Woluwé-Saint-Pierre (Bruxelles), le baron sera définitivement inhumé dans la crypte de la basique d’Héliopolis, au centre de sa « cité-jardin », comme il l’avait souhaité.
La tombe d’Edouard Empain à Héliopolis
Il laisse un énorme empire constitué de :
- 12 sociétés de traction, tramway et chemin de fer
- 16 sociétés de fourniture de gaz et d’électricité
- 10 sociétés de portefeuille Electrorail
- 4 banques
- 6 sociétés immobilières
- 3 sociétés hôtelières
- 6 sociétés de commerce
- 7 sociétés chimiques
- 14 sociétés de verrerie
- 17 sociétés de construction électrique, mécanique et travaux publics
- 3 charbonnages
Le fils aîné d’Edouard, Jean Empain, reprend la direction des affaires. Le fils de Jean, Edouard-Jean, deviendra PDG du groupe Empain-Schneider et sera victime d’un kidnapping fort médiatisé en 1971.
Contexte historique :