La vie sociale
La prospérité économique profita à tout l’ensemble de la situation sociale du pays.
La structure générale de la société fut à peu près la même qu’au 17e siècle. Dans toutes les classes de la société, les mœurs étaient simples, douces, le niveau intellectuel médiocre. La vie avait un aspect quelque peu provincial.
La vie à la Cour
Marie-Elisabeth
Source : Wikipedia
L’aristocratie cherchait à maintenir ses vieilles traditions. Sous la gouvernante Marie-Elisabeth son amour-propre fut très éprouvé. La rigide archiduchesse, qui avait fait de la Cour « un couvent de plus », interdit les visites en carrosses à 6 chevaux et défendit aux grandes dames de s’asseoir en sa présence.
Son successeur, Charles de Lorraine, aimait la vie. Il transforma la Cour en un milieu gai, agréable, sûr où il faisait bon de boire, de manger et de chasser.
La noblesse déambulait dans le cadre de parcs et de salons, vêtue à la dernière mode de Paris :
Pour les gentilshommes :
- Perruque poudrée
- Petit tricorne
- Frac brodé
- Jabot de dentelle
- Gilet et culotte en casimir couleur chair
- Bas blanc
- Souliers à hauts talons
Pour les dames :
- Corsages en pointe, de taffetas rose ou puce, décolleté en carré
- Grand panier à falbalas
- Coiffure poudrée s’échafaudant « à la Victoire » ou « à la Mappemonde »
- Mouche « assassine » au coin de l’œil.
La mode masculine | La mode féminine Source : Wikipedia |
Le prince de Ligne Source : Wikipedia |
Les grands seigneurs rivalisaient avec la Cour. C’est ainsi que nul n’était capable d’égaler le luxe du prince Charles-Joseph de Ligne, homme à la mode, spirituel et léger, qui avait autour de sa résidence de Beloeil un parc dessiné par Le Nôtre.
Certains nobles de familles illustres étaient en relations avec les grands esprits français tels que Voltaire, Rousseau et les Encyclopédistes. Mais dans son ensemble, la noblesse se montra hostile aux idées des philosophes.
Le clergé
Le clergé, et plus particulièrement le clergé régulier, avait conservé une puissance énorme. Il s’était enrichi grâce à de nombreux legs et donations. Le clergé le plus opulent de tous était celui du Brabant : il possédait les deux tiers du sol !
Le clergé prélevait, comme jadis, la dîme, fructueux impôt sur les revenus de la terre. Il exerçait son contrôle sur tous les actes d’une population restée profondément pieuse, mais une vie trop confortable avait engourdi ses activités.
La bourgeoisie
Hôtel particulier du 18e siècle
Elle constituait la population aisée et aimant le confort. Elle se fit construire des demeures spacieuses entourées de grands jardins. Ces constructions firent perdre à de nombreuses villes de province leur caractère resté jusqu’alors médiéval (Gand, Malines, etc.).
La bourgeoisie était restée essentiellement conservatrice, comme le prouvait la résistance des conseillers de justice à la suppression de la torture.
La classe des cultivateurs
La classe rurale jouissait d’une situation infiniment meilleure que 100 ans auparavant. Les droits seigneuriaux étaient minimes, aisément rachetables.
L’empereur Joseph II allait bientôt décréter en faveur des paysans des mesures libératrices analogues à celles que les paysans français ne devaient obtenir qu’en 1789.
Le paupérisme
Paupérisme
Malheureusement, la classe rurale souffrait, comme la classe urbaine, du paupérisme. L’accroissement de la natalité dépassait de beaucoup les besoins en main-d’œuvre, ce qui se traduisait par des salaires de misère et du chômage.
- La Flandre comptait 100.000 indigents sur 700.000 habitants
- A Bruges, cette proportion était de 14.000 sur 30.000 habitants
Marie-Thérèse combattit ce fléau en créant des asiles d’enfants trouvés, des orphelinats et de nombreux dépôts de mendicité.
L’expansion démographique
La paix et les circonstances économiques favorables permirent au pays de connaître une expansion démographique importante : entre 1750 et 1780, la population passa d’un peu plus de 2.000.000 à près de 3.000.000 d’habitants :
- Un tiers de la population vivait dans le duché de Brabant
- Un quart vivait en Flandre orientale
- 10 % vivaient dans le Hainaut et dans le duché de Luxembourg
- Bruxelles, avec ses 74.000 habitants était la plus grande ville
- Gand comptait 51.000 habitants
- Anvers en abritait 48.000
L’instruction publique
Ancien collège thérésien à Bruges
Source : Wikipedia
Les souverains autrichiens, et plus spécialement Marie-Thérèse, s’intéressèrent à l’amélioration de l’instruction publique :
- Une des pires plaies sociales dont souffraient nos populations était l’analphabétisme. Un règlement général de réforme de l’enseignement primaire pour tous les Etats autrichiens ne modifia presque en rien la situation déplorable du degré inférieur. Il y eut cependant une tendance à l’augmentation des écoles primaires grâce à l’initiative de communautés locales.
- L’enseignement moyen fut soumis à une réforme sérieuse et une révision des programmes : on y introduisit l’enseignement des mathématiques, de l’histoire, de la géographie et des langues vivantes. A la suite de la suppression de l’ordre des Jésuites, leurs collèges furent remplacés par 14 collèges thérésiens.
- L’enseignement supérieur à Louvain fut également soumis à une réforme sérieuse. Routinière et pédante, négligeant de tenir compte des progrès de la chirurgie et d’autres sciences nouvelles, l’Université se singularisa par des mœurs d’un autre âge :
- De cruelles brimades
- Les « physications » y accueillaient les nouveaux étudiants
- Les professeurs frappaient leurs élèves et ceux-ci se mutinaient
Les facultés rivalisaient en turbulence, grossièreté et ivrognerie. En 1754, Marie-Thérèse nomma le comte de Nény « Commissaire Royal des Etudes » et le chargea de relever le niveau de la discipline et des leçons.
Les langues
A Bruxelles :
- Une minorité de la population (15% environ), installée dans la ville haute autour du gouvernement et de la Cour, parle français
- Tandis que le flamand domine dans la ville basse.
Le phénomène de francisation commencé au 15e siècle s’accélère au 18e siècle. Favorisé par l’occupation française des années 1740, il est encouragé par la haute administration autrichienne – en fait largement cosmopolite – qui parle français et par Charles de Lorraine qui s’entoure de compatriotes.
Les classes dirigeantes flamandes abandonnent leur langue maternelle à Bruxelles, mais aussi dans l’ensemble des régions thioises. Le français devient le symbole du prestige social tandis que la culture flamande subit une éclipse que ne peuvent empêcher les rares protestations comme celle de J.B.C. Verlooy, juriste formé à Louvain, qui publie en 1788 un essai pour demander la réhabilitation de la langue flamande.