Le mouvement flamand
Les populations flamandes avaient subi un grand préjudice du fait de la séparation des provinces septentrionales au 16e siècle. Minées par l’analphabétisme, elles perdaient maintenant, après le court répit de la période hollandaise, tout contact avec les milieux cultivés.
Les premiers qui s’alarmèrent de cet état de choses furent quelques philologues érudits, surtout le chanoine-historien Jan-Baptist David et le savant campinois libéral Jan-Frans Willems, le « père du mouvement flamand ». Vers 1840, ce dernier organisa un pétitionnement réclamant une place officielle pour le flamand en Belgique. Beaucoup de jeunes gens adhérèrent avec conviction à son programme.
Un écrivain flamand, Henri Conscience, devint quant à lui populaire en publiant un roman historique : De Leeuw van Vlaanderen (Le Lion de Flandre) qui évoquait la lutte des Flamands contre les Français et mettait en scène la bataille des Eperons d’Or de 1302.
Jan-Baptist David Histoire de la Belgique et de son expansion coloniale, p. 627 |
Jan-Frans Willems Histoire de la Belgique et de son expansion coloniale, p. 627 |
Henri Conscience Histoire de Belgique en mots et en images, p. 102 |
De Leeuw van Vlaanderen Histoire de Belgique en mots et en images, p. 103 |
Deux termes péjoratifs virent rapidement le jour :
- Flamingants : partisans du mouvement flamand
- Fransquillons : par riposte, nom donné par les Flamands militants aux partisans de l’usage du français
Vers le milieu du 19e siècle, 2 séries d’évènements vont pousser à la politisation du mouvement flamand :
- La crise économique de 1845-1848 qui touche gravement la Flandre renforce le sentiment de frustration, notamment dans les classes moyennes non francisées, écartées des fonctions publiques
- Après la diminution du cens électoral de 1848, la petite bourgeoisie obtient le droit de vote et, en tant que porte-parole du mouvement flamand, fait pression sur le pouvoir en place.
Les premiers succès flamands
Les hommes politiques catholiques étaient moins hypnotisés par la culture française que les libéraux doctrinaires. Aussi Pierre De Decker, ministre catholique de l’Intérieur de 1855 à 1857, profita-t-il de son passage au pouvoir pour créer une Commission des Griefs flamands (1856), composée de personnalités impartiales. Cette Commission était surtout chargée d’étudier la question de l’emploi public de la langue néerlandaise ; elle formula des suggestions très radicales mais jugées incompatibles avec l’organisation politique et administrative du pays.
Le retour de Rogier au pouvoir fut défavorable à la cause flamande. Ce ministre se borna à adopter définitivement l’orthographe hollando-flamande, malgré la vive résistance des catholiques de la Flandre occidentale, partisans d’une orthographe régionale désuète. D’autre part, dans le public, l’action du fougueux tribun populaire, Jan van Rijswijck, associant en 1862-1863 les revendications flamandes au meetinguisme, était loin d’entraîner une approbation unanime.
A partir de 1873, de premiers succès couronnèrent les efforts des Flamands :
- Le ministre Malou fit voter l’importante loi du 16 août 1873, réglant l’emploi du néerlandais en matière de droit pénal dans la partie flamande du pays.
- Le 15 juin 1883, une loi faisait du néerlandais la langue véhiculaire dans les athénées et les écoles moyennes du pays flamand
- La loi du 8 mai 1889 réglait, dans les mêmes districts, l’emploi du flamand pour la procédure répressive
Pierre De Decker | Jan Van Rijswijck | Jules Malou La Belgique centenaire, p. 158 |
Le mouvement néo-flamand
Peu de temps après, le mouvement comptait parmi ses adeptes beaucoup de jeunes intellectuels catholiques, émus par les paroles d’Albrecht Rodenbach, leader du mouvement néo-flamand. Les masses populaires, jusqu’alors incapables de comprendre la portée des questions qui se discutaient autour d’elles, finirent par se sentir entraînées. Ce réveil était dû à la propagande des journaux flamands à 2 centimes, d’Anvers, de Gand et de Bruxelles, ainsi qu’à l’action de sociétés telles que le « Willemsfonds » (libéral) et le « Davidsfonds » (catholique), fondatrices de bibliothèques et organisatrices de cours et de conférences.
Albrecht Rodenbachs Liederen
Source : Histoire de Belgique en mots et en images, p. 104
L’instauration du suffrage universel plural augmenta le poids électoral de la Flandre fortement peuplée et réhabilita le flamand, seule langue comprise par de nombreux électeurs. Les hommes politiques catholiques et socialistes, suivis de fort loin par les libéraux, s’occupèrent alors assidûment de la question linguistique. Aucun parti d’ailleurs ne parvint à mettre tous ses membres d’accord sur ce problème complexe.
Timbre bilingue
Le bilinguisme officiel
En 1898, la « loi d’égalité » plaça le flamand au rang de seconde langue officielle. Le texte des lois, les inscriptions sur les timbres, les monnaies, les bâtiments publics furent désormais bilingues. Le flamand était donc reconnu comme langue officielle au même titre que le français qui, dans les faits, conservait pourtant une large prééminence.
En 1910, le roi Albert 1er prêta le serment d’inauguration dans les 2 langues. Petit à petit, une législation très complète régla d’une manière équitable la question des langues en matière de délibérations parlementaires, d’enseignement, de justice et d’administration.
Le gouvernement veilla à ce qu’il n’y eut plus dans les Flandres de juges, de fonctionnaires, de gendarmes ou de douaniers ignorant la langue du peuple. Malheureusement, leurs connaissances en matière de seconde langue furent trop souvent rudimentaires.
Liste des chapitres :
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Avant l'indépendance de 1830
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La francisation de 1830
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Le mouvement flamand
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La question wallonne
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La question de l'université flamande
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Les Flamands revendiquent l'unilinguisme en Flandre
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Le nationalisme flamand
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La montée des tensions entre Flamands et Wallons
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La Wallonie s'inquiète
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Le contentieux communautaire devient un casse-tête
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La Belgique devient un Etat fédéral