La politique intérieure dans l’entre-deux-guerres
La Première Guerre mondiale n’avait pas été une simple parenthèse. La nation entière s’était donnée à la cause nationale ; la nation entière revendiquait à présent l’égalité des droits politiques au sein d’une vraie démocratie.
Conformément au discours du Trône du 22 novembre 1918, les élections générales du 16 novembre 1919 eurent lieu selon la formule du suffrage universel à 21 ans, avec 6 mois de résidence et sans conditions de cens.
Le suffrage universel associé à la représentation proportionnelle ne permit plus à un seul parti de disposer de la majorité absolue au parlement. Le recours à des gouvernements de coalition devint la règle. Toutes les formules de coalition impliquèrent des programmes de gouvernement fondés sur des compromis d’autant plus délicats à établir que les clivages politiques étaient multiples et qu’aucun des partis n’était vraiment homogène. Dans ces conditions, la composition d’un gouvernement était le résultat d’un dosage subtil entre :
- L’étiquette politique affichée
- L’appartenance à telle ou telle tendance
- L’origine géographique
- L’origine linguistique
des futurs ministres. De plus, les départements « techniques » furent de plus en plus confiés à des non-parlementaires comme Emile Francqui ou Camille Gutt par exemple.
Emile Francqui Histoire de Belgique en mots et en images, p. 134 |
Camille Gutt Histoire illustrée de la Belgique, p. 187 |
Les partis au lendemain de la Première Guerre mondiale
Le Parti Catholique
En 1921, le parti catholique se réorganisa sur des bases professionnelles. L’Union catholique comprit :
- La vieille et bourgeoise Fédération des Associations et des Cercles catholiques
- La Ligue nationale des Travailleurs chrétiens avec ses branches féminines et ses organisations de jeunesse
- Le puissant Boerenbond
- L’Alliance agricole, fédérations de cultivateurs
- La Fédération des Classes moyennes
Mais comme les divers membres de l’Union défendaient des intérêts de classe souvent en opposition, il apparut que le parti catholique n’aurait plus l’impressionnante unité qui le caractérisait autrefois.
Affiche électorale du POB en 1929
Source : Un passé pour 10 millions de Belges, p. 108
Le Parti Socialiste
Les Parti Socialiste s’était solidement réorganisé en 1920, toujours sur la base :
- de ses Maisons du Peuple,
- de ses coopératives (1.000.000 de consommateurs)
- de ses mutualités (400.000 membres)
- et de ses syndicats (6 à 700.000 membres)
Il disposait d’une cinquantaine de sièges au Sénat et formait le tiers des conseils communaux des grandes villes. Les Socialistes étaient talonnés par le groupe, faible en nombre mais très hardi, des communistes.
Le Parti Libéral
Le Parti Libéral s’était résigné à ne plus être qu’un groupe minoritaire. Il était affaibli par l’opposition entre :
- l’élément de province, nettement centriste,
- et l’élément radical des grandes villes
Cependant, sa position de juste milieu entre les catholiques et les socialistes allait lui permettre de jouer un rôle d’équilibre dont il allait tirer parti.
Les partis nationalistes flamands
L’extrémisme flamand était né à la fin de la Première Guerre mondiale parmi de petits groupes de soldats du front de l’Yser fortement travaillés par quelques aumôniers. D’où le nom de ce parti : les « Vossen » (Vlaamsche Oud-Strijders) ou « frontistes ». Par la suite, les plus radicalistes s’étaient ralliés à de nouveaux groupes fortement teintés de mysticisme nazi et de corporatisme d’Etat :
- Les « Verdinaso » (Verbond van Dietsche Nationaal-Solidaristen) rêvaient d’un Etat national-socialiste fédéral, englobant toutes les contrées de la Frise à la Rhénanie et à la France du Nord.
- Le « Vlaamsch Nationaal Verbond » (V.N.V.) de Staf De Clercq, fondé en 1933, comptait quelque 60.000 membres. Il envisageait un pays flamand autonome, voire même un pays flamand indépendant.
Vossen | Programme du Verdinaso | Staf De Clercq et ses partisans |
Les rexistes
Parti né au sein de l’Association catholique de la Jeunesse belge (Rex était, à l’origine, le titre d’une petite revue publiée à Louvain). Les rexistes prétendaient réorganiser la société sur des bases dictatoriales et corporatistes. Avec une violence de langage inouïe, leur chef, Léon Degrelle, combattait le régime parlementaire au nom du parti unique et d’idéaux totalitaires, empruntés à l’idéologie des fascistes et des nazis.
Léon Degrelle
Source : Histoire de Belgique en mots et en images, p. 194
Le régime de l’Union sacrée
La situation dans laquelle se trouvait la Belgique au lendemain de la guerre exigea la constitution d’une Union sacrée, qui mit fin au régime de prédominance catholique existant depuis 1884. Parfois, certains partis firent de l’opposition, mais de manière courtoise et « constructive ». Fréquemment, les ministères furent dotés de pouvoirs spéciaux pour une courte période.
Après l’armistice, le Gouvernement et le Parlement accomplirent une tâche considérable en matière de législation sociale.
Les élections désaxées de 1936
Les élections du 24 mai 1936 reflétèrent le désarroi qui avait gagné la population sous l’effet des événements extérieurs et intérieurs :
- Les socialistes perdirent plus de 100.000 voix au profit des communistes.
- Les catholiques subirent leur premier désastre électoral depuis 1878. Ils perdirent près de 230.000 voix et 16 sièges. Les nationalistes flamands leur enlevaient 8 sièges.
- Les libéraux maintinrent toutes leurs positions
- La défaite des catholiques fut particulièrement due aux manœuvres effrontées du parti rexiste qui obtint 21 sièges.
Heureusement, dès 1937, le corps électoral prouvait qu’il regrettait son engouement pour des théories si contraires à la mentalité du pays. En effet, ayant provoqué une élection législative partielle où il cherchait à se faire plébisciter face au candidat unique des partis du gouvernement (Paul Van Zeeland), Degrelle essuya une défaite retentissante qui marqua le début de son déclin progressif.
La réorganisation du parti catholique
Le désastre du 24 mai 1936 avait fortement impressionné la Droite. Le 18 novembre 1936, elle tendit à se ressaisir en se reconstituant sur des bases linguistiques.
Le bloc catholique comprit :
- Un groupe d’expression française : le Parti Social Chrétien (PSC)
- Et un groupe d’expression flamande : le Katholieke Vlaamsche Volkspartij (KVV).
Mais les concessions du KVV au VNV provoquèrent bientôt des réactions violentes parmi les catholiques bruxellois ou wallons.
La crise du régime parlementaire
Dans les dernières années qui précédèrent la Seconde Guerre mondiale, la Belgique connut une véritable crise du régime parlementaire :
- Les ministres prirent l’habitude, lorsqu’ils se trouvaient en face d’une solide opposition, de démissionner sans attendre un vote formel de défiance des Chambres.
- Les associations politiques intervinrent dans la formation des Cabinets et prétendirent dicter leurs devoirs aux ministres de leur bord. Or, les règles d’un honnête jeu politique voulaient que les ministres, sans abandonner leurs convictions, restent les premiers serviteurs de tout le pays et ne soient pas de simples agents d’exécution d’un parti politique.
Les élections du 2 avril 1939 prouvèrent que le pays revenait à la santé :
- Les rexistes s’effondrèrent et perdaient 17 sièges sur 21
- Les libéraux et les catholiques regagnaient chacun 10 sièges
- Les socialistes conservaient 64 sièges
- Par contre, le VNV maintenait ses positions et passait de 16 à 17 sièges à la Chambre.
Ces résultats avaient été obtenus sur la base de plates-formes électorales d’inspiration nationale et d’esprit modéré.
Liste des chapitres :
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La période unioniste
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La période du doctrinarisme
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Le conflit des idéologies
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A la recherche de la pacification politique et sociale
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Toute-puissance du parti catholique
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La politique intérieure de l'entre-deux-guerres
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Après la libération, le gouvernement revient d'exil
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La fragmentation
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Le fédéralisme
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Et au 21e siècle ?